C) Rétroflexion
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Le moyen chinois possède déjà un ordre rétroflexe pur [ʈ, ʈʰ, ɖ, ɳ]
(tr, trh, dr, nr)
ainsi qu’un ordre rétroflexe affriqué
[rétroflexes affriquées : [ʈ(ʂ)]
– [ʈ(ʂ)ʰ] – [ɖ(ʐ)] – [ʂ] – [ʐ]] (tsr, tshr, dzr, sr, zr).
Ceux-ci restent en
chinois moderne des rétroflexes,
mais les deux
ordres se fondent en un seul, celui des affriquées rétroflexes.
Les rétroflexes pures
disparaissent (et les sonores s’assourdissent) :
° [ʈ] (tr) et t(ʂ) (tsr) >
[t(ʂ)] (zh)
° [ʈʰ] (trh) et [t(ʂ)ʰ]
(tshr) > [t(ʂ)ʰ] (ch)
° [ɖ] (dr) et [d(ʐ)] (dzr) > [t(ʂ)] (zh)
(mais
° [ɳ] (nr) > [n] (n))
° [ʂ] (sr) > [ʂ] (sh)
mais
° [ʐ] (zr) > [s] (s) ? ; sur ce dernier point, le seul exemple que j’aie trouvé
est 俟 sì venant de zrì,
ce qui ne permet pas de poser précisément la loi phonétique,
puisqu’il pourrait s’agir d’un traitement particulier
devant [i].
Les anciennes rétroflexes ne sont pas la seule source de production.
les anciennes palatales, en effet, sont transformées :
° [c] (tsy) > [t(ʂ)] (zh)
° [cʰ] (tshy)
> [t(ʂ)ʰ] (ch)
° [ç] (sy) > [ʂ] (sh)
° [ɲ] (ny) > [ʐ] (r)
Pour expliquer pourquoi, primo,
il ne peut y avoir de rétroflexe devant i
et ü,
il faut savoir que le ü est un phonème absent du moyen
chinois,
qui s’est donc développé plus tard, et que le [i] après une rétroflexe ancienne,
pure ou affriquée, ou une palatale, s’est soit amuï par dissimilation
(ainsi脂 [cij] (tsyij) > [ t(ʂ́ ̩)] (zhi)
(le petit [ ̩] indique que le phonème constitue la totalité de la syllabe,
qu’il est vocalisé – voir plus bas à « rime minimale
nulle »),
soit a changé de timbre par dissimilation préventive
(真 [cin] (tsyin) > [tʂǝ́n] (zhēn)).
Les graphies zhi, chi shi et ri
notent en fait, comme leur contrepartie alvéolaire,
la consonne suivie de la voyelle
nulle : [t(ʂ)ɿ], [t(ʂ)ʰɿ], [ʂɿ] et
[ʐɿ].
Secundo, on comprend
pourquoi, dans un système phonologique
assez particulier
en ce qu’il n’oppose pas des sourdes à des sonores, mais des non aspirées à des aspirées, comme l’est celui du mandarin, les rétroflexes seules possèdent une opposition
de sonorité : [ʂ] vs. [ʐ].
Ce n’est qu’une coïncidence, puisque [ʐ] n’est pas
la contrepartie de [ʂ]
mais une ancienne nasale ; c’est ce qui explique qu’on
puisse trouver ce phonème
en fin de syllabe, les seules consonnes autorisées en mandarin dans cette position
étant [n̪], [ŋ] et [ʐ], c’est-à-dire anciennement [n̪], [ŋ] et [ɲ].
Les nasales s'assourdissant rarement, il est donc plus
normal que
[ɲ] ait donné [ʐ] et non [ʂ].