B)
Palatalisation
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C’est un phénomène très important
puisque tous les dialectes ont été touchés,
et ce de diverses manières
par ce processus qui fait qu’une consonne « normale » change de valeur devant
les voyelles palatales du moyen chinois, e, i et ɨ
ou quand elle est palatalisée
(suivie d'un j dans la
transcription (ki sera palatalisé tout comme kju).
Les consonnes purement palatales
(tsy, tshy, dzy, sy, zy et ny) ne sont pas touchées, c’est un autre
traitement qui les attend
(de même pour les rétroflexes pures, tr, trh, dr, nr).
Les labiales
sont cependant sujettes à la palatalisation, dans une moindre mesure.
Le processus complet doit être le suivant
(supputation personnelle à prendre avec
des pincettes)
° [ki] >
[k̟i] : la prononciation de [k] comprend une avancée de la langue
par anticipation de la valeur palatale de [i] (ou [y] / ü) ; (on pourrait
aussi partir de [ke] ou de [kʲ] etc.)
° [k̟i] >
[ci] : la dorso-vélaire devient une palatale ;
° [ci] >
[cʲi] : la palatalisation est développée par un glide ;
° [cʲi] >
[c(ʝ)i] : le glide spirant se renforce en fricative ;
([j] est la
spirante, [ʝ] la fricative)
[NDC : GLIDE, subst. masc.
PHONÉT. Phonème caractérisé par le fait qu'il n'est ni vocalique, ni consonantique
et qui est représenté par [j] (yod) et [w] (wé) [d'apr. Ling. 1972 ]
° [c(ʝ)i] >
[c(ç)i] : le glide appuyé par une sourde s’assourdit par
assimilation
progressive de sonorité ;
° [c(ç)i]
> [c(ɕ)i] : l’appendice fricatif palatal se dissimile
(change de point
d’articulation pour éviter d’être de nouveau assimilé dans
ce contexte – trois phonèmes à la suite tous
palataux – instable) en une alvéolo-palatale ;
° [c(ɕ)i] >
[c̟(ɕ)i] : suite de la palatalisation de la consonne
initiale par
l’avancée de la langue ;
° [c̟(ɕ)i]
> [t(ɕ)i] (ji) : fin de la palatalisation : la langue,
finissant son avancée,
se stabilise au point d’articulation
alvéolaire ;
Je ne donnerai pas le schéma pour tous les phonèmes.
Le reste du processus prévoit les équivalences
suivantes :
Vélaires
:
° [kʲ] (kj) > [t(ɕ)] (j)
° [kʰʲ]
(khj) > [t(ɕ)ʰ] (q)
° [gʲ] (gj)
> [t(ɕ)]
° [ŋʲ]
(ngj) > [j] (mais devant i et u > [Øi] et [Øü] (yi et yu, où y note l’absence de consonne initiale))
« Laryngales » :
Elles se palatalisent aussi devant –æ.
° [ʔʲ] (’j) >[j] (mais devant i et u
> [Øi] et [Øü] (yi et yu))
° [xʲ] (xj) > [ɕ] (x)
° [ʁʲ] (hj) > [j] (mais devant i et u
> [Øi] et [Øü] (yi et yu))
Les affriquées dentales (qui donneront naissance aux affriquées
alvéolaires) sont évidemment touchées (mais les
dentales pures ne sont pas affectées) :
° [tˢʲ] (tsj) > [t(ɕ)] (j)
° [tˢʰʲ] (tshj) > [t(ɕ)ʰ] (q)
° [d(z)] (dz) > [t(ɕ)] (j)
° [sʲ] > [ɕ] (x)
° [zʲ] > [ɕ] (x)
Les labiales, d’autre part,
sont aussi atteintes, mais seulement quand elles sont
réellement palatalisées, et non simplement devant un e, un ɨ ou un i :
° [pʲ] (pj) > [f] (f) (mais [pi] (pi)
> [pi] (bi))
° [pʰʲ] (phj) > [f] (f)
°
[bʲ] (bj) > [f] (f)
° [mʲ] (mj) > [w]
C’est pourquoi, de même, en pīnyīn, *gi, *ki, *hi,
*gü, *kü et *hü,
*zü, *cü et *sü n’existent simplement pas. Les séquences zi, ci et si
ne pouvant, de plus, pas représenter la consonne en question suivie de [i]
(la consonne serait sinon palatalisée), elles ont été utilisées
pour noter la consonne suivie de la voyelle « nulle » sur
la « rime
minimale nulle », voir plus bas), soit [t(̩ɕ)ʰ]
(ou, notation traditionnelle,
[t(ɕ)ʰɿ] ; c’est la « voyelle » de 自 zì , 此 cǐ, et 四 sì).
La notation E.F.E.O. (École Française
d’Extrême Orient) qui distingue
dans l’écriture ki de tsi, k’i de ts’i et si de hi est redondante et
étymologisante :
ces trois groupes notent le même son, soit respectivement, en
pīnyīn,
ji, qi et xi (pour ce dernier, la notation Wade-Giles est
intéressante,
puisque [ɕi] est transcrit hsi, soient les deux consonnes h et s du
moyen chinois
ayant donné naissance au phonème [ɕ]).
Enfin, cela
explique que les séquences en pīnyīn ju, qu et xu ne soient pas
marquées du tréma sur la lettre u ; les phonèmes palataux en question
ne sont en effet possibles
que devant une voyelle palatale ;
*[t(ɕ)u],
*[t(ɕ)ʰu] et *[ɕu] ne sont pas envisageables dans la phonologie
mandarine (très joli adjectif !), et la notation de la valeur palatale de la voyelle
serait, elle, redondante.
Pour récapituler sur les problèmes de notation :
Les consonnes notées en pīnyīn par j, q et x ne peuvent être suivies que de
deux phonèmes, i et ü (ce dernier noté cependant u).
Le pīnyīn aurait donc pu ne pas noter spécifiquement les palatales :
{g, k, h} ou {z, c, s} devant i ou ü suffisaient
(mais il aurait fallu choisir entre ces deux ordres
possibles,
ce que ne fait pas l’E.F.EO.),
et le lecteur n’aurait eu qu’à rétablir la palatalisation,
sachant que les palatales sont en distribution complémentaire
avec les vélaires et les alvéolaires,
et n’en sont que des variantes combinatoires).
On peut donc dire que l’ordre palatal n’est en fait, en
mandarin, que la variante combinatoire des ordres vélaires et alvéolaires devant i ou
ü.
Il n’existe pas à l’état pur et n’est pas hérité directement du moyen chinois,
qui connaissait bien un ordre palatal, mais d’une autre
nature,
qu’il convient de connaître pour saisir le mécanisme de la rétroflexion.